Le cannabis CBD s’est progressivement établi dans le paysage français depuis maintenant trois ans, connaissant une croissance constante de sa popularité. Toutefois, le cadre juridique français reste caractérisé par une certaine ambiguïté, notamment dans son articulation avec la législation européenne. Cet article propose une analyse approfondie des évolutions juridiques concernant le CBD et sera régulièrement actualisé pour refléter les derniers développements réglementaires.
Statut légal actuel du CBD

Suite à l’arrêté du 30 Décembre 2021 visant à interdire la commercialisation du CBD, une évolution significative est intervenue. Le juge des référés a prononcé la suspension de cet arrêté, rétablissant ainsi la légalité du commerce de cannabis CBD. Parallèlement, une nouvelle norme concernant le taux de THC semble s’établir à 0,3% maximum.
Bien que cette décision constitue une avancée positive pour l’industrie du CBD, il convient de souligner son caractère provisoire. Le conseil d’état doit encore se prononcer définitivement, maintenant une certaine incertitude sur les perspectives à moyen et long terme du secteur.
Évolution chronologique du cadre juridique
L’affaire Kanavape : Un précédent juridique fondamental (2018)
Kanavape, entreprise pionnière dans la commercialisation d’huiles de cannabis CBD sans THC, s’est retrouvée au cœur d’une bataille juridique majeure en 2018. Après un parcours judiciaire complexe impliquant les juridictions françaises et européennes, la Cour européenne a rendu en novembre 2020 une décision favorable à l’entreprise.
Cette décision historique établit que le commerce de produits CBD est protégé par le principe de libre circulation des marchandises au sein de l’Union européenne, empêchant l’État français d’en interdire la commercialisation. Toutefois, il est crucial de noter que cet arrêt ne spécifie pas de seuil maximal de THC, maintenant l’illégalité des produits contenant du THC, même en faible quantité.
La commercialisation de produits CBD exempts de THC est autorisée sur le territoire français.
L’évolution juridique du CBD en France : Le tournant de juin 2021

En réponse aux précédentes décisions juridiques, les autorités françaises ont élaboré le 21 juin 2021 un nouveau projet d’arrêté concernant la réglementation du cannabis CBD. Ce texte comportait trois dispositions majeures :
- Autorisation encadrée de la culture du cannabis CBD, avec restriction de l’utilisation des fleurs et feuilles à l’extraction uniquement
- Prohibition de la commercialisation et de la consommation des fleurs de CBD
- Établissement d’une limite maximale de THC à 0,2%
Cette tentative de réglementation a suscité de vives réactions dans le secteur, particulièrement concernant l’interdiction des fleurs de CBD, qui constituent une part majeure du marché. À titre d’exemple, chez High Five CBD, les fleurs de cannabidiol représentent approximativement 70% du chiffre d’affaires.
- Projet d’interdiction de la commercialisation des fleurs de CBD
- Proposition d’autorisation des produits CBD (hors fleurs) avec un taux de THC inférieur à 0,2%
La réponse de l’Union Européenne : Une nouvelle perspective (Octobre 2021)

L’examen du projet d’arrêté français par les instances européennes le 21 octobre 2021 a abouti à une décision complexe, consultable dans son intégralité au format PDF.
- Classification possible du CBD comme “aliment”, soulevant des interrogations sur la pertinence du taux de 0,2% de THC jugé potentiellement excessif
- Reconnaissance des fleurs de CBD comme produits alimentaires, les soumettant à la réglementation européenne sur les Novel Food et empêchant leur interdiction
- Demande de révision du projet d’arrêté français
Cette décision européenne, bien que globalement favorable au secteur en validant la légalité du commerce des fleurs de CBD, présente certaines particularités notables. La classification des fleurs comme produits alimentaires constitue une approche inédite, tandis que la remise en question du taux de THC initialement proposé crée une nouvelle incertitude réglementaire.
- Maintien de la légalité du commerce des fleurs de CBD
- Remise en question du seuil de 0,2% de THC jugé trop élevé dans le cadre d’une classification alimentaire
L’arrêté controversé du 30 décembre 2021 : Un tournant décisif
En réponse aux recommandations de la Commission européenne, le gouvernement français a adopté une position radicale. Le nouvel arrêté stipule l’interdiction pure et simple du commerce et de la culture des fleurs de CBD, tout en maintenant l’autorisation de commercialisation des huiles de CBD contenant moins de 0,3% de THC.
Cette décision représentait une menace existentielle pour le secteur du CBD en France, mettant en péril la survie de plus d’un millier de commerces spécialisés qui s’étaient développés sur le territoire national.
- Établissement d’un nouveau seuil de THC à 0,3%
- Interdiction formelle du commerce des fleurs de CBD
Janvier 2022 : La suspension salvatrice de l’arrêté
Face à la mobilisation des professionnels du secteur, une avancée significative est intervenue. Le juge des référés a prononcé la suspension de l’arrêté du 30 décembre 2021, considérant l’existence “d’un doute sérieux sur la légalité de cette mesure d’interdiction en raison de son caractère disproportionné”.
L’ordonnance du juge met en lumière plusieurs incohérences manifestes dans l’arrêté :
La contradiction flagrante entre l’autorisation de production du cannabis CBD (jusqu’à 0,3% de THC) et l’interdiction de sa commercialisation soulève des questions de cohérence juridique. En effet, si le CBD était véritablement considéré comme une substance stupéfiante, tant sa production que sa distribution devraient être prohibées.
L’argument selon lequel les forces de l’ordre seraient dans l’incapacité de distinguer le cannabis THC du CBD est également réfuté. Le juge souligne que les méthodes d’analyse permettant de contrôler les taux lors de la production sont tout aussi applicables aux fleurs commercialisées.
Cette suspension offre un répit bienvenu au secteur du CBD, dans l’attente d’une décision définitive du Conseil d’État. Par ailleurs, la normalisation du seuil de 0,3% de THC semble se confirmer comme nouvelle référence réglementaire.
- L’interdiction du commerce des fleurs est temporairement levée
- Le nouveau seuil de 0,3% de THC s’impose progressivement comme standard
État des lieux de la législation actuelle

L’arrêté du 30 décembre 2021 avait introduit deux changements majeurs : le relèvement du seuil de THC autorisé à 0,3% et, parallèlement, l’interdiction du commerce des fleurs de CBD. Cette dernière mesure représentait une menace existentielle pour le secteur, les fleurs constituant 60 à 80% du chiffre d’affaires des commerces spécialisés.
Un rebondissement significatif est intervenu le 24 janvier 2022 : le juge des référés a prononcé la suspension de cet arrêté, dans l’attente d’une décision définitive du Conseil d’État. Cette suspension temporaire offre un répit au secteur tout en maintenant une certaine incertitude sur l’avenir.
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Application pratique de la législation

L’étude des pratiques douanières révèle un décalage significatif entre le cadre légal et son application sur le terrain. Une enquête menée auprès des services douaniers dans différentes régions met en lumière des divergences d’interprétation notables.
Notre investigation auprès des bureaux de douane locaux révèle une hétérogénéité dans l’application des normes : certains agents se réfèrent au projet d’arrêté et appliquent le seuil de 0,2%, tandis que d’autres utilisent une limite de 0,5%. Cette disparité souligne un manque de clarté dans les directives transmises aux services de l’État.
Dans la pratique quotidienne, les observations indiquent que les services douaniers autorisent généralement le passage des fleurs de cannabidiol dont la teneur en THC ne dépasse pas 0,2%. Cette tolérance de fait, bien qu’encourageante pour le secteur, illustre néanmoins le besoin d’une harmonisation des pratiques et d’une clarification réglementaire au niveau national.
Cette situation complexe, caractérisée par une disparité entre le cadre légal et son application pratique, souligne l’urgence d’une harmonisation réglementaire. L’avenir du secteur dépendra largement des décisions à venir du Conseil d’État et de la capacité des autorités à établir un cadre clair et uniforme.
Encadrement légal de la culture de CBD en France

Le projet d’arrêté de juillet 2021, bien que non validé par la Commission européenne, offre un aperçu des orientations réglementaires envisagées par les autorités françaises concernant la culture du cannabis CBD.
Les conditions initialement proposées établissaient un cadre strict :
- Obligation d’utiliser exclusivement des variétés de Cannabis sativa L.
- Maintien d’une concentration en THC strictement inférieure à 0,2%
- Utilisation exclusive de variétés inscrites au catalogue officiel
- Prohibition de la commercialisation des plants et boutures
- Interdiction de la vente directe des parties aériennes (feuilles et fleurs)
Bien que ce projet d’arrêté ait été remis en question par la Commission européenne qui a demandé à la France de réviser sa proposition, il illustre la direction réglementaire envisagée par les autorités françaises.
Dans la pratique, la culture de cannabis CBD se trouve dans une situation paradoxale. Les restrictions sur les variétés autorisées limitent considérablement les possibilités d’innovation génétique, excluant de fait les variétés les plus prisées comme la Gelato ou la White Widow, pourtant plébiscitées par les consommateurs.
Cette situation crée un paradoxe économique : alors que la Commission européenne affirme l’impossibilité d’interdire la vente de fleurs de CBD, la France restreint drastiquement leur production nationale. Cette contradiction aboutit à une dépendance aux importations européennes, situation qui va à l’encontre des principes de souveraineté économique et du mouvement “Made in France”.
Cette configuration réglementaire complexe soulève des questions cruciales sur l’avenir de la filière CBD française. Une harmonisation entre les exigences européennes et les ambitions de développement d’une filière nationale devient nécessaire pour permettre l’émergence d’un secteur économique viable et compétitif.
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